Après de longues études, Nicolas Cousin a commencé sa carrière au parc du Puy du Fou en France, puis s’est orienté vers la gestion hôtelière et ensuite vers la stratégie de loisirs de centres commerciaux réputés. Il a également consacré une partie de ses efforts à la consultation, une discipline qui lui a permis de contribuer au développement du tourisme au Maroc, et qui l’a récemment conduit à être nommé directeur de la consultation chez Christie+Co. Dans cette interview, il nous parle de son expérience dans les différents « sous-secteurs de la chaîne de valeur du tourisme ».

Amusement Logic : Vous avez commencé par une longue formation en gestion, dans le secteur de l’hôtellerie, qu’est-ce qui vous a fait choisir ce métier ?

Nicolas Cousin

Nicolas Cousin : Eh bien, la vérité est que la décision a été très facile à prendre pour moi : j’ai toujours été passionné par les hôtels. Quand j’étais enfant, nous partions souvent en vacances sur la Côte d’Azur et j’adorais me promener devant ses fabuleux palais. J’étais également un fan absolu de la restauration ; en fait, à l’adolescence, je ne demandais pas de cadeaux à mes parents, je leur demandais de m’emmener manger dans de grands restaurants (je dois admettre que la gastronomie avait une place très importante dans ma famille). Ainsi, à l’âge de 15 ans, j’ai commencé à étudier la gestion hôtelière, et j’ai terminé mes études environ 10 ans plus tard. Grâce au système de stages mis en place en France (qui est assez similaire dans de nombreux pays), j’ai eu l’occasion d’élargir mes horizons et de découvrir d’autres sous-secteurs de la chaîne de valeur du tourisme, et j’ai ainsi réalisé que les options étaient tout simplement incroyables dans le monde de l’hôtellerie et du tourisme.

A.L. : L’un de vos premiers emplois a été au Grand Parc du Puy du Fou, en France, où vous avez joué la comédie. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

N.C. : Oui, en fait, pour valider mon master, j’ai dû faire un stage pendant 7 mois. J’ai ensuite rejoint le Grand Parc du Puy du Fou, en Vendée (France), où j’ai géré les points de restauration dans l’une des zones du parc. C’était une expérience incroyable car je suis arrivé avant le début de la saison et j’ai participé à toute la préparation du parc pour accueillir les visiteurs. C’est alors que je me suis rendu compte de la variété des corps professionnels présents dans un parc à thème : cuisiniers, architectes, peintres, vétérinaires, acteurs, techniciens et un long etcetera. Pour ceux qui ne connaissent pas le Puy du Fou, je ne peux que vous dire que c’est un parc extraordinaire et que, de plus, l’équipe devient comme une famille, car tout le monde se connaît et beaucoup participent comme bénévoles au spectacle du soir, ce qui montre leur attachement au parc et à ce qu’il représente.

Cette expérience m’a marqué et m’a beaucoup appris, mais si je devais souligner deux points en particulier, ce serait l’attention portée aux détails et l’excellence de l’expérience du visiteur. Lorsqu’une personne se promène dans l’un des villages de ce parc, elle doit se sentir transportée dans le temps et rien n’est laissé au hasard. En revanche, dans un parc à thème, soit vous proposez une expérience vraiment exceptionnelle, soit vous avez toutes les chances d’échouer, car vos concurrents ne sont pas seulement les autres parcs à thème, mais tout site ou activité qui se bat pour capter le temps libre des visiteurs (centres commerciaux, villages touristiques, stades de football, jeux vidéo, etc.)

A.L. : Vous êtes ensuite passé par différents postes à la direction de chaînes hôtelières telles que Kyriad ou Novotel, en quoi consistait cette étape ?

N.C. : Après l’expérience au Puy du Fou, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le groupe Louvre Hôtel, où j’étais assistant manager dans un de leurs hôtels. C’était une excellente occasion pour moi de me rapprocher de mon rêve d’enfant, de participer activement à la gestion d’un hôtel et d’assumer de plus grandes responsabilités. C’était une expérience très enrichissante qui m’a beaucoup apporté, mais j’ai ensuite réalisé que j’avais besoin de faire un pas de plus et je me suis donc inscrit à un MBA (Master in Business Administration) pour continuer à me développer et m’ouvrir à de nouvelles opportunités. Après 2 années intenses à étudier mon MBA, j’ai orienté ma carrière vers le secteur du consulting pour l’industrie du tourisme. J’ai eu l’occasion d’assister différents acteurs du secteur du tourisme pendant plus de 9 ans : hôtels, parcs à thème et parcs aquatiques, fonds d’investissement, promoteurs, gouvernements… J’ai également pu participer à l’élaboration du plan de développement touristique du Maroc (Vision 2020), au repositionnement de plusieurs stations, à l’étude de faisabilité de parcs à thème ou encore au processus d’acquisition d’un des plus importants opérateurs de parcs d’attractions au monde. J’ai ensuite rejoint Hotelbeds (la plus grande banque de lits du monde), où j’ai eu la chance de voir de l’intérieur comment fonctionne le secteur de la distribution en ligne, et de participer à un processus d’intégration des équipes après une fusion entre les 3 principaux acteurs du secteur (Hotelbeds, GTA et Tourico).

A.L. : Vous êtes ensuite passé à Intu España, le groupe qui possède et exploite des centres commerciaux.

N.C. : Oui, un jour, j’ai été contacté pour rejoindre le groupe Intu, qui se développait avec beaucoup de succès en Espagne. Pour être honnête, j’ai hésité avant de relever le défi, car je n’avais jamais envisagé de travailler dans le secteur des centres commerciaux. Mais ensuite, en discutant avec la personne qui allait être mon supérieur et qui avait occupé, quelques années auparavant, le poste de directeur général à Port Aventura, j’ai décidé de faire le grand saut. En fait, l’objectif d’Intu était de transformer les centres commerciaux en stations où les visiteurs pourraient trouver une gamme de loisirs et d’options F&B (Food & Beverage) beaucoup plus développée que dans la concurrence et avec un calendrier d’événements très complet pour générer de multiples occasions de visite. Intu avait également des projets de développement en cours pour créer une nouvelle génération de centres de villégiature avec un mélange unique entre les loisirs, le commerce de détail et le F&B. J’ai donc rejoint Intu et j’étais chargé de définir le profil de loisirs et de F&B que nous voulions mettre en Å“uvre dans chaque centre.

Une partie importante de ce travail consistait à identifier les concepts de loisirs susceptibles de réussir dans un environnement de centre commercial. J’ai également eu la responsabilité de définir le plan stratégique de Madrid SnowZone, la seule piste de ski couverte d’Espagne et l’une des 10 pistes de ski les plus visitées au monde chaque année (aussi incroyable que cela puisse paraître). L’une des grandes étapes de ces dernières années a été l’amélioration des installations, qui n’avaient pas été rénovées depuis son ouverture en 2003. Au cours de cette réforme, un travail important a été réalisé pour améliorer la qualité des installations, tant sur le terrain que dans ce que nous appelons les zones chaudes. La vérité est que le résultat est spectaculaire, et encore plus avec les travaux qui ont été entrepris pour « ouvrir » la cour au food court Xanadu.

A.L. : Qu’apporte Madrid SnowZone au centre commercial Xanadu ?

N.C. : C’est une excellente question. Parfois, dans le secteur des centres commerciaux, l’impact des installations de loisirs est remis en question (heureusement, de moins en moins), mais à Xanadu, nous avons pu étudier et documenter l’impact de la piste de ski. Évidemment, dans le domaine des médias, il a un poids énorme avec de nombreux événements et reportages. Mais sur l’aspect de la fréquentation, nous avons pu vérifier que les clients de SnowZone ne provenaient pas des mêmes zones géographiques que ceux du reste du centre commercial. Pour simplifier, une proportion importante des visiteurs de Xanadu vient des environs (dans un rayon de 20 à 25 km), tandis que les clients de SnowZone viennent principalement du nord et de l’ouest de Madrid (zones à plus fort pouvoir d’achat). Cela montre qu’une proposition de loisirs bien pensée et bien exécutée attire des clients autres que la clientèle cible habituelle du centre commercial et constitue une occasion unique de repositionner certains actifs.

A.L. : Quels critères utilisez-vous pour établir la stratégie de loisirs des grands centres commerciaux tels qu’Intu ?

N.C. : Pour établir cette stratégie, nous réalisons une étude approfondie du marché : analyse interne (offre du centre, clients…) et externe (concurrents, fournisseurs, tendances…) et nous définissons un positionnement objectif qui est également en accord avec les valeurs de l’entreprise et de la station. Ensuite, nous examinons le marché pour voir quels sont les acteurs qui peuvent nous aider à atteindre nos objectifs. L’important est de se différencier et d’aller vers des concepts ayant une grande capacité d’accueil, car dans les centres commerciaux l’affluence se concentre à des moments bien précis : il faut s’assurer d’avoir la capacité nécessaire pour accueillir les clients à ces moments-là et avoir un concept qui permet de fonctionner dans des conditions plus douces, sans détériorer l’expérience aux moments de moindre affluence, c’est la quadrature du cercle !

L.A. : Comment voyez-vous l’avenir du secteur de la distribution ?

N.C. : Il existe un consensus sur le marché selon lequel les meilleurs centres survivront et deviendront même plus forts. Les grandes enseignes de la distribution ont tendance à réduire le nombre de leurs magasins afin de concentrer leurs efforts sur quelques « fleurons ». D’où l’importance pour les opérateurs d’avoir les meilleurs concepts et les meilleures marques dans leurs centres.

Dans le domaine des loisirs, on constate que les concepts habituels s’enrichissent en termes de contenu, grâce à l’apport de la technologie (les sauts par exemple comportent déjà beaucoup de réalité augmentée ou virtuelle), et ce mouvement va se renforcer de plus en plus : cela permet aussi d’élargir la cible de ces centres à d’autres publics.