La firma internationale d’architecture basée à New York, Perkins Eastman, a récemment présenté les résultats d’une étude sur les facteurs déterminants de la marchabilité ou « walkability » des rues. En d’autres termes, sur les facteurs qui rendent les espaces urbains plus attrayants pour la marche à pied. L’étude, intitulée « Ces rues sont-elles faites pour marcher ? Comment l’IA visuelle peut mesurer la marchabilité urbaine chez les personnes âgées », se concentre géographiquement sur la zone urbaine du district de Kowloon, à Hong Kong, et démographiquement sur les personnes âgées, c’est-à -dire les personnes de 65 ans et plus.
Au-delà des résultats eux-mêmes, qui se concluent par des « directives de conception pour la marchabilité », ce qui rend cette étude particulièrement intéressante, c’est sa méthodologie, dans laquelle l’intelligence artificielle (IA) joue un rôle important. Voyons comment et pourquoi :
« Marcher est une activité vitale pour les personnes âgées — commence par justifier la recherche — car cela leur permet de faire de l’exercice physique et leur offre des opportunités d’interaction sociale, ce qui impacte significativement leur santé physique et mentale ». Cependant, jusqu’à présent, quasiment toutes les études d’urbanisme concernant les habitudes de cette tranche de population se sont appuyées sur des données à grande échelle liées aux systèmes de transport, à l’utilisation des sols et à la population. C’est pourquoi elles n’ont pas adopté une perspective à échelle humaine et au niveau de la rue et, sans le savoir, ont trop simplifié les subtilités de l’expérience humaine de la marche.

En conséquence — et c’est l’une des premières déclarations méthodologiques —, l’étude, qui vise à fournir cette perspective rapprochée, quantifie différents éléments urbains à partir d’images directes de la rue prises à hauteur d’homme. Pour analyser les éléments urbains du district de Kowloon, l’équipe de recherche a utilisé précisément un total de 32 512 images issues de Google Street View, prises tous les 10 mètres.
Pour compléter les sources d’information sur les habitudes des résidents du district étudié, l’équipe a utilisé des données issues d’une enquête menée auprès de plus de 100 000 habitants. C’est le gouvernement de Hong Kong lui-même qui, en 2021, a interrogé ses citoyens sur leur mobilité et leurs préférences de transport — y compris la marche à pied, qui est après tout un moyen de déplacement parmi d’autres.
Ainsi, à partir des données démographiques de cet échantillon et des informations sur leurs comportements en matière de mobilité, les chercheurs ont établi un « indice de marchabilité » — ou probabilité que les personnes âgées choisissent de marcher pour leurs déplacements — dans les différentes zones du quartier, selon la formule suivante :
Marchabilité = Nombre de personnes âgées choisissant de marcher / Nombre total de personnes âgées

Une fois cet indice calculé pour les différentes zones du district de Kowloon, il ne restait plus qu’à le corréler avec les différents éléments caractéristiques du paysage urbain présents dans ses rues. Pour l’objet de l’étude, les chercheurs ont distingué les éléments suivants : passages piétons, bancs, murs, fenêtres, arbres et végétation, trottoirs et lampadaires.
C’est à ce moment que sont entrées en jeu les méthodes d’intelligence artificielle visuelle, telles que la détection d’objets et la segmentation d’images. Grâce à ces technologies et à l’apprentissage automatique, l’équipe a calculé le pourcentage de chaque élément urbain dans les images de Kowloon issues de Google Street View. Ils ont procédé selon la formule suivante, à la fois expéditive et innovante :
Quantité d’un élément urbain = Pixels de l’élément urbain dans une image / total des pixels de l’image
De cette manière, ils ont pu comprendre précisément les attributs quantitatifs des éléments urbains expérimentés par les personnes âgées lors de leurs promenades et réaliser une analyse comparative entre les zones urbaines présentant des corrélations fortes, qu’elles soient positives (présence élevée d’un élément urbain = forte marchabilité, ou présence faible = faible marchabilité) ou inverses (faible marchabilité = forte présence d’un élément urbain, ou forte marchabilité = faible présence d’un élément urbain).
Les responsables de l’étude ont affiné leurs analyses en étudiant les corrélations entre paires et groupes d’éléments urbains en fonction des préférences précises de transport des résidents. Ils ont finalement établi ces directives de conception urbaine évoquées au début.
Pour ne pas trop prolonger, voici un résumé de leurs conclusions quant aux éléments qui améliorent la marchabilité des villes :
- « Lorsque les arbres et les bancs sont nombreux et proches ».
- « La combinaison de passages piétons et de lampadaires ».
- « Plus d’ouvertures dans les façades (fenêtres, cours, balcons) accompagnées de bancs et d’arbres ».
- « Bancs associés à des fenêtres ainsi qu’à des murs de façade ».
Il ne reste plus qu’à rendre hommage à l’équipe de recherche, dirigée par Haozhuo Yang, étudiant à la Graduate School of Design de Harvard University, financé par Perkins Eastman en 2023 dans le cadre du chapitre « Design et bien-être », en collaboration avec Alejandro Giraldo, Hanna Negami et Emily Chmielewski, membres du cabinet d’architecture.
Source: Are these streets made for walking? How visual AI can inform urban walkability for older adults.
Images: Perkins Eastman.