Au cours des deux derniers siècles, les villes ont évolué et se sont développées dans de nombreux cas sur des terrains qui ont été soustraits au cours naturel de l’eau. Ainsi, le développement urbain a envahi les zones humides et les plaines inondables, ou s’est emparé des berges des rivières sans aucune considération pour les conséquences ou pour le fait que, tôt ou tard, l’eau récupère ce qui lui appartient. Les exemples sont nombreux, encore plus évidents avec le changement climatique et les phénomènes météorologiques associés. Sans aller plus loin, en 2021, des inondations catastrophiques ont eu lieu aux États-Unis, en Allemagne, en Belgique, en Inde, en Thaïlande et aux Philippines. Ces dernières années, cependant, cette approche de l’urbanisme a cédé la place à une nouvelle approche, plus consciente, chez les urbanistes de nombreux pays.
L’auteure américaine Erica Gies, dans un récent article publié par le Massachusetts Institute of Technology‘s Technology Review (basé sur son propre livre Water Always Wins : Making Progress in the Age of Drought and Flood), appelle cette nouvelle tendance urbanistique Slow Water (Eau Calme). Selon cette tendance, l’urbanisme devrait construire des « villes éponges« , capables d’absorber une plus grande partie des précipitations, au lieu de contenir l’eau avec des digues, des canaux et de l’asphalte qui la « poussent hors du sol aussi vite que possible ». L’un des principaux représentants de cette approche, sur les idées duquel Gies fonde son article, est l’architecte paysagiste Yu Kongjian, basé à Pékin, en Chine.
Yu Kongjian, par l’intermédiaire de son cabinet d’architecture paysagère Turenscape, qu’il a cofondé en 1998, a passé de nombreuses années à travailler sur des projets visant à rétablir le flux et le reflux de l’eau dans les environnements urbains. À cette fin, il a conçu et construit des espaces flexibles qui permettent à l’eau de se répandre et de s’infiltrer dans le sol, à la fois pour prévenir les inondations et pour la stocker sous terre en vue d’une utilisation ultérieure. Selon lui, en limitant les rivières par des digues, en érigeant des barrages et en plaçant des bâtiments ou des parkings là où l’eau veut passer, nous avons créé des « infrastructures grises » qui « sont en fait des tueurs du système naturel dont nous dépendons pour notre avenir durable ». En fait, selon M. Gies, dans les villes densément peuplées, seuls 20 % environ des précipitations s’infiltrent dans le sol, le reste allant dans les égouts et les canalisations.
Ainsi, lors de la planification d’un projet, les concepteurs « doivent d’abord découvrir ce que faisait l’eau avant que la ville ne soit construite ». Pour faire de la place et réduire les pertes, on peut notamment récupérer des sites dans les villes (lorsque les bâtiments sont démolis ou achetés et éliminés par les gouvernements) et créer des parcs absorbants. Et lors de la création de jardins, les systèmes de « biofiltration » tels que les fossés entourés de plantes aquatiques, les bassins d’infiltration, les jardins de pluie et les fosses de filtration sont souhaitables. Et lorsque « l’espace humain n’est pas négociable », les revêtements perméables et les toits verts sont une bonne solution pour absorber l’eau.
Quoi qu’il en soit, et au-delà de ces considérations nécessaires, comme vous pouvez le voir sur les images, les espaces touchés par les aménagements paysagers de Yu Kongjian, en plus d’être de parfaits représentants de la tendance Eau calme, sont d’une grande beauté et font des villes des lieux plus agréables et durables.
Sources : MIT Technology Review, Slow Water World.
Images : Turenscape.